A la rencontre des éléphants

Dans cet article, on voulait vous parler d'une expérience incroyable qu'on vient de vivre : passer deux jours dans un village Karen, au contact de la population locale mais aussi ... à la rencontre des éléphants. On en rêvait et on est encore sur notre petit nuage en y repensant. Toutefois on a beaucoup hésité avant de se lancer et on voulait vous expliquer pourquoi et comment approcher des éléphants en Thaïlande.

/!\ Attention : face cachée du tourisme en Thaïlande. /!\

En Thaïlande, de nombreux guides et agences proposent des tours organisés à prix attractifs. On a la chance d'avoir le temps, alors on s'est documentés sur leurs prestations. On voulait partager nos conclusions avec vous : comme ça si vous projetez de venir en Thaïlande et d'y recourir, ce sera en connaissance de cause !

Attention, on ne dit pas tout ça pour être moralisateurs ou culpabiliser qui que ce soit !! Chacun est libre de faire ce qu'il souhaite en vacances. Seulement avant de venir (et comme beaucoup de voyageurs que nous avons rencontré), nous n'étions pas du tout au courant de cette face cachée du tourisme en Thaïlande. On voulait donc vous en parler, pour peut être faire avancer les choses en direction d'un tourisme plus "responsable". On est désolés de vous infliger cette introduction pas très marrante, mais ça nous tenait vraiment à coeur.

Les femmes girafes

Vous avez certainement déjà vu des photographies de ces femmes au très long cou et de nombreux colliers de métal. Certains guides proposent d'aller visiter des "villages" de femmes girafes, qui sont des réfugiées birmanes n'ayant aucun droit sur le sol thaïlandais. Les guides thaïs pratiquent des prix exorbitants mais ne leur reversent qu'une très faible part de leurs recettes. Le débat est alors ouvert : d'un côté les touristes permettent à ces familles de vivre en achetant l'artisanat local et en payant le prix de la visite ; de l'autre ils contribuent à exploiter des êtres humains (ces femmes ne s'allongent plus vraiment le cou par tradition mais surtout pour attirer les vacanciers).

Chaque argument peut être entendu. Le côté voyeur et l'impression de visiter une sorte de "zoo humain" nous a clairement dissuadé, on n'a donc pas visité de village de femmes girafes.

Approcher des tigres

En Thaïlande il est possible de visiter des centres ou des tigres sont détenus en captivité. Les touristes sont alors invités à "câliner" et prendre des photos avec ces énormes félins ... qui sont en réalité maltraités et shootés H24 pour être plongés dans un état semi-comateux. Les bébés sont séparés de leur mère à la naissance pour être plus facilement "manipulables".

Le plus connu de ces centres était un temple bouddhiste située dans la région du Kanchanaburi. L'histoire raconte que les moines avaient recueilli un tigreau orphelin et l'avaient soigné. Mais c'est une véritable industrie touristique qui a vu le jour par la suite : le temple abritait plus de 100 tigres enfermés continuellement dans des cages. Il a récemment fermé suite à un scandale sans précédent (lien vers un article du Point).

Les centres pour éléphants

Une attraction touristique qui n'est guère plus reluisante, âmes sensibles s'abstenir ... Certains centres autour de Chiang Mai proposent aux touristes des spectacles d'éléphants (qui peignent, jouent au foot ... bref, des activités tout à fait normales pour des éléphants vous en conviendrez) et de monter sur leur dos. Seulement nous avons appris que pour être dressés, les éléphants doivent subir le rituel du "Phajaan". Il s'agit de "briser l'âme de l'animal" : dès son plus jeune âge, l'éléphanteau est arraché à sa mère. Il est ensuite torturé pendant des jours et des jours : poignardé, scalpé, brûlé ... puis laissé sans eau, ni nourriture, ni sommeil. À un certain stade, l'animal est comme mort de l'intérieur. Il n'obéit plus qu'à son maître (appelé mahout) dans l'espoir de ne plus jamais revivre ce calvaire. Quand on croise les éléphants "à touristes" sur le bord des routes, ils sont d'ailleurs enchaînés, et leur mahout les guide grâce à une espèce de faucille qu'il leur plante derrière ses oreilles (endroit apparemment sensible chez l'éléphant).

Bien sûr, en venant en Thaïlande nous aussi on avait envie de voir des éléphants ... simplement on vous déconseille de contribuer à ce genre de business. D'autres alternatives existent ! Par exemple des associations rachètent les éléphants à leur mahout pour leur offrir une seconde vie en prenant soin d'eux. Les touristes peuvent alors bichonner les éléphants et passer du temps avec eux. Mais ne montez pas sur leur dos ! Nous étions surpris d'apprendre que la colonne vertébrale d'un éléphant n'était pas assez résistante pour supporter de lourdes charges (comme une nacelle avec de gros touristes dedans !).

De notre côté, après l'échec cuisant de l'opération "trek-dans-la-jungle-avec-scorpions-et-serpents-mais-point-d'éléphants", on a opté pour une formule complètement différente. Venez, on vous emmène !

"Notre rendez-vous en terre inconnue" : deux jours au sein d'une tribu Karen.

C'est parti pour deux jours au coeur de la jungle ! À notre grande surprise, on s'est retrouvé avec 3 guides thaïs pour nous tous seuls. Ils étaient jeunes et vraiment trop drôles, ça promettait de donner une bonne ambiance !

On a pris la route pour aller au village de Pa Kao Lam qui se situe dans le parc national de Huay Nam Dung. Sur la route, on s'est arrêté faire des emplettes dans un marché tout ce qu'il y a de plus local : on se sentait immergés dans la culture thaïe. On a joué à la loterie, on a gouté le thé vert du coin (qui ressemble plus à du potage) et on a même testé des insectes grillés ! Vers blancs, sauterelles (ce que Simon a préféré) et des grillons. On voulait adresser un message à tous les gens qui nous ont dit que ça avait goût de cacahuètes : on ne vous remercie pas ! C'est complètement faux, ça a juste goût d'insectes dégoûtants !

Le marché de Mae Malai.

Puis on a repris la route du village. Le chemin était sinueux et cabossé. Après avoir roulé une heure dans la jungle et traversé une rivière avec le 4x4 (bah oui le pont était cassé, vous comprenez) on est arrivé ! Nous voilà accueillis par des Karens, membres de la plus grande tribu du Nord de la Thaïlande. Cette tribu vient de Birmanie et peuple les montagnes. Ils vivent avec très peu de choses : pas d'eau courante, pas d'électricité, pas de véhicules (ils se rendent à la ville en descendant la rivière sur des radeaux en bambou). Ils mangent ce qu'ils trouvent dans la jungle : fruits, légumes, champignons, mais aussi serpent, rats, écureuils, etc. Ils élèvent également leur propre bétail.

Le village de Pa Kao Lam où l'on a passé deux jours.

Notre logement était rustique mais c'était parfait pour deux jours ! Dès notre arrivée on a été reçu par le chef du village ("l'aîné") qui nous a invité autour du feu de bois à boire un thé local. Il est chargé de résoudre les problèmes quotidiens des villageois et les guide dans leurs choix de vie (par exemple pour choisir leur femme/leur mari). Leur maison de bois était très belle, vraiment traditionnelle ! Il nous a montré ce qu'il cuisinait : des grenouilles grillées. Sans frigo, il les conserve en hauteur, dans la fumée qui s'échappe du feu.

Au cours du repas concocté par nos guides, on a pu goûter le riz qu'ils cultivent au village. C'est très important de finir son assiette et d'accepter s'ils proposent de nous resservir car ils en sont très fiers (et à raison !).

Les rizières entourant le village.

On est ensuite parti trekker dans la jungle à la recherche des éléphants. On a rencontré un villageois qui nous a accompagné car il sait où les trouver. Ce jour-là, il était très occupé à soigner un bébé aigle tombé d'un arbre !

Un bébé aigle tombé de sa branche.

Les éléphants qui vivent ici ne sont pas sauvages : ils vivent en totale liberté dans la jungle du parc national, mais ils restent en réalité près du village car les habitants prennent soin d'eux (ils les nourrissent, soignent leur peau). Ce sont des éléphants retraités de l'industrie du bois qui restent habitués à l'Homme. Au cours de ces deux jours, nous n'avons pu voir qu'une seule éléphante. Mais on peut vous dire qu'elle était magnifique ... elle s'appelait Bouncie.

On vous présente Bouncie !

On aurait préféré la laisser tranquille et l'observer de loin, mais le villageois voulait vraiment qu'on la rencontre, qu'on la caresse et qu'on prenne soin d'elle. S'il y a bien quelque chose que nous avons compris au cours de ces deux jours, c'est que les thaïs entretiennent une relation très particulière avec les éléphants : leur histoire, mais aussi leurs traditions (par exemple la fête de l'éléphant qui a lieu chaque année le 13 mars) font que la relation mahout / éléphant perdurera avec ou sans le tourisme.

Comme tous les éléphants, Bouncie ADORE se baigner.

On a donc passé beaucoup de temps avec Bouncie, à lui gratter la boue séchée qu'elle avait sur le dos, la brosser avec de l'écorce, la regarder prendre son bain... elle s'en donnait à coeur joie et plongeait même entièrement dans l'eau ! Elle avait vraiment l'air heureuse et épanouie dans cet environnement. On a appris plusieurs trucs sur les éléphants. Ils peuvent gravir des montagnes (nous aussi on a dû grimper pour aller la chercher !). Ils sont très peureux : par exemple Bouncie avait une peur bleue des vaches du village qui se baladent elles aussi en liberté dans la jungle. Comme partout en Asie c'est le bazar, rien n'est ordonné comme chez nous mais c'est ce qui fait le charme de cette région du monde ! Enfin, on a découvert que les éléphants avaient une très mauvaise vue; on devait d'ailleurs appeler Bouncie pour ne pas qu'elle nous confonde avec un troupeau de vaches ... bref un vrai sketch.

Simon qui semble très en confiance avec Bouncie. Il regretterait presque Sango !

Au-delà de notre rencontre tant attendue avec cet animal, on a découvert beaucoup de choses pendant notre séjour chez les Karen. On a goûté de la viande de serpent (encore une fois on nous avait dit que ça ressemblait à du poulet mais pas du tout ...), on a appris à cuisiner des plats locaux, on a rencontré des gens incroyablement gentils.

De découvrir un tel mode de vie, ça permet de remettre en perspective ce qu'on considère comme étant des soucis chez nous. Pour cela on remercie les Karen et nos guides pour cette jolie leçon.

Deux villageois partant récolter des champignons.

Très prochainement on publiera un article sur la route qu'on a parcourue en Thaïlande ces dernieres semaines. Dans quelques jours on passera la frontière avec le Laos en direction de la ville de Luang Prabang !

On vous embrasse et on vous dit à très vite,

Léa & Simon

Article publié le 19/05/2017.

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